Bangladesh
Au Bangladesh, affrontements et grèves plongent le pays dans la crise politique
LE MONDE 30.10.06 14h26 • Mis à jour le 30.10.06 14h26
ISLAMABAD CORRESPONDANTE EN ASIE DU SUD
Pour mettre fin aux violences qui ont fait une vingtaine de morts et plus de cent blessés à travers le pays, le président du Bangladesh, Iajuddin Ahmed, s'est nommé lui-même, dimanche 29 octobre, chef du gouvernement intérimaire chargé d'organiser dans les trois mois les élections législatives. La mise en place de cet exécutif de transition avant le scrutin est imposée par la Constitution. La nomination du chef de l'Etat, qui règle l'impasse politique née du refus de l'opposition d'accepter à ce poste l'ancien président de la Cour suprême, K. M. Hasan, jugé trop favorable au gouvernement, ne met toutefois pas fin à la crise.
L'opposition, conduite par la Ligue Awami de l'ancien premier ministre Cheikh Hasina, a boycotté la prestation de serment du président et appelé à des manifestations et à une grève des transports lundi. Alliée à treize autres partis d'opposition, la Ligue Awami, qui avait, dans les semaines précédentes, refusé la nomination du président comme chef du gouvernement intérimaire, a quand même, cette fois, décidé d'attendre et de voir. "Le président aurait dû nommer quelqu'un d'autre à ce poste. Cependant nous espérons que le président agira de façon impartiale pour conduire les prochaines élections", a affirmé Cheikh Hasina. L'opposition exige un droit de regard sur la composition de la commission électorale trop favorable, selon elle, au gouvernement sortant.
La première ministre sortante, Khaleda Zia, du Bangladesh Nationalist Party (BNP), a terminé officiellement ses cinq ans de mandat vendredi soir en appelant au calme dans un discours radiotélévisé. "Nous voulons que la paix continue d'être assurée dans ce pays, en particulier avant les prochaines élections. Sauvegardez la paix !", avait exhorté Mme Zia, dont le mandat a été constamment perturbé par des manifestations et grèves organisées par l'opposition. Son parti avait agi de la même façon pendant les cinq ans précédents, quand Cheikh Hasina était au pouvoir.
Depuis son indépendance, gagnée sur le Pakistan avec l'aide de l'Inde, en 1971, le Bangladesh a connu une série de coups d'Etat militaires avant de revenir à un régime démocratique chaotique en 1990. Le BNP de Khaleda Zia et la Ligue Awami de Cheikh Hasina, qui ont dominé depuis lors la vie politique, ont en effet, comme l'affirme, dans un récent rapport, l'International Crisis Group (ICG), "échoué à respecter les normes et le fonctionnement démocratiques, que ce soit au gouvernement ou dans l'opposition". Le Parlement a été paralysé à plusieurs reprises par le boycottage de l'opposition, quelle qu'elle soit. Le dysfonctionnement du BNP et de la Ligue Awami, qui restent des partis très personnalisés, a favorisé l'émergence de partis islamistes. Depuis 2001, le Bangladesh était gouverné par le BNP, allié, notamment, à deux partis islamistes.
Cette nouvelle crise fait craindre à certains un retour aux affaires de l'armée - qui conserve, en coulisse, une influence notable - bien que celle-ci, comme le note l'ICG, ne souhaite sûrement pas prendre le risque de remettre en question ses opérations onusiennes de maintien de la paix.
Dans le climat actuel d'incertitude, les milieux d'affaires ont, dimanche, exprimé leur inquiétude sur les conséquences de la situation sur l'économie. Déjà, selon les autorités, toutes les activités du port de Chittagong (sud) sont gelées. Le Bangladesh reste l'un des pays les plus pauvres du monde, et la moitié de ses 144 millions d'habitants vivent avec 1 dollar par jour.
Françoise Chipaux
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